Période propice au recueillement et au souvenir, la Toussaint est un moment consacré à la prière pour nos morts. Plusieurs se rendent ainsi au cimetière pour fleurir les tombes de leurs proches défunts. « Champs du souvenir », mais aussi « de l’oubli », comme l’écrit Hervé Bellec (1), les cimetières conservent les empreintes de milliers de vies et offrent une présence à ceux qui sont absents. Cependant, s’ils permettent de préserver la mémoire de ceux qui ne sont plus, l’histoire de ces lieux du dernier repos est souvent oubliée. A l’occasion de la fête des morts, revenons donc sur l’histoire de leur dernière demeure.
Cette année, nous proposons de nous consacrer aux deux plus grands cimetières de Liège : Robermont et Sainte-Walburge.
Robermont
Avec ses quelque 44 hectares, le cimetière que Chantal Mezen dénomme le « Père-Lachaise liégeois » (2) repose dans les jardins de l’ancienne abbaye de Robermont. Car avant d’être occupé par le plus grand cimetière de la ville, le lieu était habité par des religieuses de l’ordre de Cîteaux.
Une communauté de moniales s’installe en effet à Robermont en 1200. Vers l’année 1230, les religieuses se déplacent au Val-Benoît. Toutefois, une douzaine d’années plus tard, en raison du nombre important de nouvelles candidates, une partie de ces jeunes pieuses revient à Robermont, bien que l’abbaye principale se trouve toujours au Val-Benoît.
En 1468, les attaques menées par Charles le Téméraire ne laissent pas indemne le site de l’abbaye de Robermont. A la fin du xve siècle, celle-ci sera également pillée et incendiée sous l’épiscopat de Jean de Horne.
Au début du xviie siècle, l’abbaye traverse à nouveau une période difficile. Les bouchers (mangons), en froid avec les laboureurs, saccagent les lieux et menacent de les brûler. A la fin du xviiie siècle, Robermont subira les affres de la Révolution. En 1796, « les communautés religieuses sont alors définitivement supprimées et leurs biens remis à l’état républicain » (Chantal Mezen, 2000, p. 10). L’abbaye est vendue en 1797, et les jardins sont récupérés par le conseil municipal de Liège afin de les transformer en cimetière. Dès le 21 mai 1805, Robermont devient donc un des trois cimetières principaux situés hors de la ville de Liège, avec ceux des Bayards et de Hocheporte – deux cimetières qui seront fermés dans le premier quart du xixe siècle. Le 12 juin 1804, un décret de Napoléon interdit en effet les inhumations dans les enceintes des villes et dans les églises.
Au cours des xixe et xxe siècles, Robermont connaîtra de multiples phases d’agrandissement avant de devenir le cimetière que l’on peut visiter de nos jours.

Sainte-Walburge
Pour retracer l’histoire du deuxième cimetière de Liège (3), on peut remonter aux xiiie et xive siècles, époque où un sanctuaire se trouvait dans le faubourg Sainte-Walburge. Au xive siècle, un hôpital pour les lépreux et autres malades est construit avec, à proximité, un cimetière surnommé le cimetière des lépreux, puisqu’il était surtout destiné à ceux que la maladie n’avait pas épargnés. L’hôpital finit cependant par être abandonné dans la seconde moitié du xvie siècles, le nombre de lépreux diminuant. Le 7 septembre 1614, l’église paroissiale de Sainte-Walburge est inaugurée et le cimetière dit des lépreux devient un cimetière classique attenant à l’église. Si le conseil communal de Liège pense fermer le cimetière de Sainte-Walburge en 1855, il ne procède pas à sa fermeture, car l’influente famille Orban demande une concession à perpétuité. Ce cimetière sera cependant désaffecté quelques années plus tard. Le nouveau cimetière de Sainte-Walburge, situé sur le boulevard Fosse Crahay, sera quant à lui, inauguré le 20 mars 1874, après de nombreux débats au sujet de sa localisation. Certaines craintes portent effectivement sur les risques sanitaires éventuels et les problèmes que l’installation du cimetière pourrait causer à la qualité de l’eau de consommation.
Aujourd’hui, le cimetière de Sainte-Walburge mesure pas moins d’une vingtaine d’hectares.

© Sandra Otte
Lieux où la vie et la mort se rencontrent, les cimetières et leurs histoires vivent grâce aux défunts qui s’y reposent et aux vivants qui s’y recueillent.

© Sandra Otte
Sandra OTTE
(1) Hervé Bellec, La vie des cimetières. Petite déambulation dans le monde des défunts et les rituels associés, Paris, Transboréal, 2025.
(2) Chantal Mezen, Le cimetière de Robermont. Le Père-Lachaise liégeois, Liège, Noir dessin production, 2000.
(3) Chantal Mezen, Le cimetière de Sainte-Walburge. 130 ans d'histoire, Liège, Noir dessin production, 2004.